73

 

Une rafale tirée par les commandos avait endommagé la console de navigation, obligeant le capitaine à réduire sa vitesse.

Lee Tong ne lui accordait pas un regard. Il donnait ses ordres par radio au commandant du Pathfinder tout en surveillant l’approche du bateau à roues.

Il finit par se tourner vers Pujon :

« Vous ne pouvez pas aller plus vite ?

— Non. C’est le maximum que je puisse faire en gardant à peu près mon cap.

— C’est encore loin ? demanda alors pour la dixième fois peut-être l’héritier des Bougainville.

— D’après la sonde, le fond commence à descendre. Plus que 2 milles et nous y serons.

— Deux milles, répéta pensivement Lee Tong. Il est temps d’installer les détonateurs.

— Je vous préviendrai en actionnant la sirène quand nous arriverons à 200 mètres de fond. »

Le Coréen contempla la mer polluée par les rejets du Mississippi. Le faux navire océanographique n’était plus qu’à quelques encablures du fragile Stonewall Jackson qu’il allait bientôt couper en deux. Les gémissements du calliope, portés par le vent, parvenaient jusqu’à lui. Il secoua la tête, encore incrédule, ne comprenant pas comment ce vieux paquebot fluvial avait bien pu entrer en scène.

Il était sur le point de quitter la timonerie pour monter sur la barge quand il vit l’un des avions qui les survolaient se détacher brusquement de sa formation en piquant.

Le chasseur F/A 21 de la Navy rasa les flots et lâcha deux missiles. Lee Tong, horrifié, suivit des yeux les ogives guidées par laser qui fendaient l’eau et allaient frapper de plein fouet la coque rouge du prétendu bâtiment britannique dont la superstructure s’effondra aussitôt en un amas grotesque de tôles tordues. Puis il y eut une seconde explosion, plus violente encore, qui transforma le navire tout entier en un gigantesque geyser de feu.

Le Coréen, impuissant, serra les poings tandis que le bateau moribond se retournait et sombrait, s’abîmant dans les profondeurs de l’océan. Il n’avait maintenant plus aucun moyen de s’enfuir après le sabordage de la barge et du pousseur.

 

Des débris enflammés du Pathfinder s’abattirent sur le Stonewall Jackson, déclenchant de petits foyers d’incendie vite maîtrisés par l’équipage. La surface de la mer se couvrit de taches d’huile tandis qu’un nuage de fumée et de vapeur s’élevait en sifflant dans le ciel.

« Par tous les saints du Mississippi ! s’exclama le capitaine Belcheron avec stupéfaction. Ces pilotes de la Navy connaissent leur boulot !

— Quelqu’un veille sur nous », constata Pitt avec soulagement. Son regard se reporta sur la barge qui n’était plus qu’à trois quarts de mille. Il distingua une minuscule silhouette sautant à bord depuis l’avant du pousseur et disparaissant par une écoutille.

Un homme corpulent, de la carrure d’un Oliver Hardy, grimpa l’échelle du pont supérieur et entra dans la cabine de pilotage. Il portait l’uniforme gris et les galons dorés d’un major de l’armée sudiste. Sa chemise sous sa tunique déboutonnée était trempée de sueur et il était hors d’haleine. Il s’arrêta, s’épongeant le front avec sa manche.

Il finit par lancer d’une voix essoufflée :

« Dieu du ciel ! Je me demande si je vais mourir d’une balle dans la tête ou d’une crise cardiaque ! »

Leroy Laroche dirigeait une agence de voyages durant la journée, passait pour un bon mari et un bon père durant la soirée et jouait à commander le 6e régiment de Louisiane de l’armée des Etats confédérés durant le week-end. Il était très populaire parmi ses troupes et était chaque année réélu pour prendre la tête de son régiment lors des reconstitutions historiques des combats de la guerre de Sécession. Il ne semblait pas le moins du monde troublé à l’idée que la bataille, cette fois, allait être bien réelle.

« Heureusement pour nous que vous aviez ces balles de coton à bord », dit-il au capitaine.

Celui-ci sourit.

« Nous en avons toujours sur le pont, comme au bon vieux temps. »

Pitt se tourna vers Laroche :

« Vos hommes sont en place, major ?

— Oui. Prêts au combat.

— De quelles armes disposent-ils ?

— De mousquets Springfield calibre 58. Comme la plupart des rebelles pendant la guerre. Ils vous expédient une balle Minié à 500 yards.

— Ils tirent vite ?

— La majorité de mes gars arrivent à trois coups par minute et quelques-uns à quatre. J’ai disposé mes meilleurs éléments sur la barricade pendant que les autres rechargeront.

— Et les canons ? Ils marchent vraiment ?

— Et comment ! Ils vous abattent un arbre avec un bidon de ciment à plus d’un demi-mile.

— Un bidon de ciment ?

— Oui. C’est moins cher à fabriquer que de vrais boulets. »

Pitt sourit.

« Bonne chance, major. Dites à vos hommes de ne pas s’exposer inutilement. Les armes automatiques sont quand même plus meurtrières et plus rapides que vos mousquets.

— Ne vous inquiétez pas, ils savent très bien se mettre à l’abri. Quand devrons-nous ouvrir le feu ?

— Je vous laisse le soin d’en décider.

— Pardonnez-moi, major, intervint Giordino. L’un de vos hommes n’aurait pas une arme de trop ? »

Laroche tira un long pistolet de l’étui accroché à sa ceinture et le lui tendit en précisant :

« Un revolver Le Mat. Barillet à neuf cartouches calibre 42, canon rayé. Et aussi un autre, lisse celui-là, pour la chevrotine. Prenez-en soin, Il a appartenu à mon grand-père qui s’en est servi aussi bien à Bull Run qu’à Appomattox. »

Giordino était très impressionné.

« Je ne veux pas vous en priver. »

Laroche empoigna son sabre et lança :

« Il me reste ça ! Eh bien, je pense qu’il faut que j’aille rejoindre mes hommes à présent. »

Après le départ du jovial major, Pitt se baissa pour sortir la Thompson de l’étui à violon. Il inséra un chargeur plein et se redressa avec une grimace de douleur en se tenant les côtes.

« Ça ira pour vous ? demanda-t-il au capitaine Belcheron.

— Ne vous en faites pas, répondit celui-ci avec un signe de tête en direction d’un gros poêle en fonte. J’ai de quoi m’abriter. »

 

« Merci, mon Dieu ! s’exclama Metcalf avec ferveur.

— Merci pourquoi ? » demanda Sandecker.

Le général lui montra un papier :

« La réponse de l’amirauté britannique. Le seul bâtiment du nom de Pathfinder en service à la Royal Navy est un destroyer. Il n’y a pas de navire océanographique de ce nom et de toute façon aucun ne se trouve en ce moment dans la région du golfe du Mexique. »

II lança un regard reconnaissant à Sandecker en ajoutant :

« Bien joué, Jim.

— Finalement nous avons quand même eu un peu de chance.

— Ce sont ces pauvres diables à bord de ce vapeur qui vont en avoir besoin à présent.

— Nous ne pouvons rien faire ? Vous êtes sûr que nous avons tout envisagé ?

— Absolument, répondit le général. Le garde-côte est encore à quinze minutes et le sous-marin nucléaire juste derrière.

— Ils n’arriveront jamais à temps.

— Les hommes du steamer parviendront peut-être à retenir le pousseur jusqu’à… »

Metcalf ne termina pas sa phrase.

« Vous ne croyez tout de même pas aux miracles, Clayton ?

— Non. Pas trop. »

 

Panique à la Maison-Blanche
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